lundi

Chapitre 3 - FEEL LIKE A WOMAN - extraits...

 
"Lorsque la soirée décline, que la musique est en sourdine et que je m'affale sur un bout de banquette, il vient s'asseoir à mes côtés. J'ai conservé l'habitude de m'écrouler sur son épaule et il me garde serrée contre lui tout en menant des conversations. Je suis bercée par sa voix grave et baigne dans son odeur. Dans mon demi sommeil, je revisite le poème de Lamartine « O temps suspend ton vol, Et vous heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez nous savourer les rapides délices des plus belles de nos nuits !... »
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"Agacé, Nicolas débloque les portières de son cabriolet 204 Peugeot blanc... Tout en roulant, il prétend qu'il est trop cassé pour voir la route...
- Moi aussi...
- Quoi, toi aussi ?
- Je suis cassée...
Il continue de râler :
- C'était qui ce guignol ?
- De qui parles-tu ?
- Du type avec qui tu roucoulais...
- Ça te regarde ?
Buté, il claque une cassette des Stones dans le lecteur et le pousse à fond, il chante à tue-tête : « I was born in a cross-fire hurricane, And I howled at my ma in the driving rain, But it's all right now, in fact, it's a gas ! But it's all right. Im jumpin jack flash, Its a gas ! gas ! gas !... »
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"J'en perds la notion du temps, je suis une poupée de chiffon ballotée dont l'âme s'est envolée... J'ai seize ans ? et ma vie va basculer dans l'horreur... J'ai dix-neuf ans ?
Le garçon se ploie devant moi... Il m'est familier, sa présence me bouleverse... J'éclate en sanglots... Il me serre contre lui alors que mes larmes dévalent sur sa veste.
Il pose sa bouche sur mon front et me berce doucement, calmant les hoquets qui impriment mon corps.
« Letters I've written
 Never meaning to send
Beauty I'd always missed
With these eyes before
Just what the truth is
I can't say anymore
Cause I love you
Yes I love you
Oh how I love you... »
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  "Enveloppée dans un drap de bain, je pénètre dans le salon. Nico a allumé une lampe basse qui diffuse une lumière tamisée, il taquine une de ses guitares, en fredonnant :
« I’m gonna wait till midnight hour
That’s when my love comes tumbling down
I’m gonna wait, way in the midnight hour
That’s when my love begins to shine... »
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"J'ai la révélation que cette fois, je suis une femme pour de bon...
« I wanna feel like a woman tonight
You know just what to do
Oh baby... » 
"Je me suis réveillée plusieurs fois pour regarder Nico dormir et m'enfouir dans ses bras. Les heures ont passé. Le lit était notre bateau voguant dans le tumulte des corps insatiables, successivement exaltés et apaisés. Nous avons entendu cogner à la porte d'entrée, mais avons ignoré toutes les sollicitations et intrusions du monde extérieur."
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 "Les groupes en compétition ne pèsent pas lourd dans la balance face aux Dirty Angels, après une courte délibération, ils sont déclarés vainqueurs. Le président du jury fait un laïus, rappelant les termes de la finale et remet des prix aux participants. Les Dirty's clôturent la session par un mini-concert dont une reprise de « Child of the Moon » qui me colle la chair de poule. Le public n'étant pas décidé à les laisser partir, Nicolas annonce :
- Le dernier morceau est dédié à une bien jolie personne qui se reconnaitra...
Le groupe reprend un époustouflant blues-boogie mené a un train d'enfer..."
« Baby, please don't go
Baby, please don't go
Baby, please don't go
You know I love you so
Before I be your dog... »
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"Les Dirty's poursuivent leur tournée pour une semaine ; demain soir, ils font la première partie d'un chanteur à succès à Vierzon puis enchaînent sur une fête villageoise du côté de Bourges, s'ensuivent, une inauguration de boite de nuit à Blois et une participation à la « Nuit de la Rillettes » au Mans...
Nous accompagnons les garçons au van, Christophe conduit. Nicolas fait le copilote.
Auparavant, j'ai glissé à mon amoureux :
- Nico, j'ai du mal à supporter notre relation intermittente et décousue... Je veux savoir où je m'embarque avec toi...
- Je sais... Dès mon retour, je te contacte chérie, je te le jure sur ma vie...
Le mini-bus démarre et s'éloigne, avec la musique à fond dans l'habitacle :
« Well if you ever plan to motor west,
Just take my way thats the highway thats the best
Get your kicks on Route 66
Well it winds from Chicago to L.A.
More than 2000 miles all the way
Get your kicks on Route 66... »
Les garçons agitent leurs mains aux portières... Rêveuses, nous récupérons la R16 pétaradante et la route de Tours..."
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"Elle recule dans le couloir maintenant assombri et me claque la porte au nez. Je reste plantée, indécise, puis rebrousse chemin et enfile les rues obscures au ralenti, bouleversée par cette image persistante d'Isa dévastée. Je pense à son comportement curieux, à ses dernières attitudes étranges, je repense au film de ce soir... Incroyable coïncidence...
Parvenue chez Rachel, je lui raconte l'entrevue... Elle conclut, comme moi, que notre amie présente des symptômes de toxico... On passe une partie de la nuit à retourner le problème pour y trouver d'éventuelles solutions... Je décide de demander de l'aide à Nico puisqu'il connaît bien Patrick.
Je reste dormir chez Rachel. Je fais des cauchemars hallucinés avec des visions de corps maltraités, en décomposition, échoués dans des taudis. Je me réveille plusieurs fois paniquée, le souffle court..."
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« Don't you want somebody to love
Don't you need somebody to love
Wouldn't you love somebody to love
You better find somedy to love
When the garden flowers baby are dead
Yes, and your mind is full of red... »
Des étudiants circulent sur le campus quelques uns me saluent. Je lève les yeux de ma lecture pour leur répondre...
Le garçon qui avance dans ma direction alerte tous mes sens, il fait manquer un battement à mon cœur... Aucun autre ne peut m'émouvoir davantage... Il m'approche irrésistiblement d'une démarche féline. Il stoppe à mes pieds, je l'observe à travers mes verres teintés.
- Je cherche la fille du parc, je crois bien que je l'ai trouvée...
Il s'accroupit face à moi, retire doucement mes lunettes.
- Oui, c'est bien elle, c'est bien toi... Hum, c'est bien ce que tu lis..."
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"Les Dirty Angels ont joué au pub de « l'Epée Royale », place Plumereau, un soir d'été, juste après mes examens de juin...
Ambiance chaude, demis de bières qui moussent, tournent et s'entrechoquent. Cigarettes qui grillent, filles qui se consument pour le rock et se balancent, mon cœur balance pour le chanteur pirate, je suis la fiancée du pirate...
« I love rock and roll
So put another dime in the jukebox baby
I love rock and roll
So come on take some time and dance with me... »
J'ai raté mon UV de physique-chimie, je la repasserai en octobre afin de valider ma première année de fac.
Je dois libérer ma chambre universitaire. Jean, mon père vient me chercher, je guette sa Mercedes blanche en bas du bâtiment." J'ai remisé mon paquetage d'étudiante dans une valise, deux gros sacs et trois petits cartons."
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"Début juillet... J'effectue huit heures de travail quotidien, entrecoupé par deux micro-coupures et la pause déjeuner de trois quarts d'heure que je prends sur place avec un casse-croûte savoureux préparé par Térésa. L'atelier, composé de femmes, où se tiennent les chaînes est poussiéreux et bruyant. Les ouvrières, en blouse de protection, s'affairent derrière des tapis où circulent des bouteilles vides dont le remplissage se fait à partir de cuves verseuses suspendues ; les flacons sont bouchés, étiquetés, rangés dans des cartons et empilés sur des palettes. Il faut être rapide et vigilante, ne pas rater une étape de la chaîne, cela demande de l'attention car un mouvement non synchrone, ou inapproprié, met le circuit en l'air, les bouteilles se dispersent, tombent, éclatent et le tapis est stoppé. La fautive a droit aux remontrances de la responsable de machine et frôle la sanction avant la retenue sur salaire ou l'exclusion... J'ai travaillé à différents points du circuit, passant des heures à effectuer le même geste : descendre la manette à bouchonner pile-poil sur le goulot, remplir des caisses, les charrier... A la fin de la journée, j'ai les muscles ankylosés. Ce métier d'ouvrière est dur et ingrat, je ne pourrais l'exécuter indéfiniment, ça me motive pour faire quelque chose de mes études... Je guette avec une impatience douloureuse la sonnerie signalant l'heure de la sortie et le moment tranquille et bienheureux où je retourne à la maison en pédalant mollement sur mon vélo... La chaleur de l'été assouplit les muscles contractés de mes épaules."
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"Après les présentations, j'ai embarqué Nicolas pour l'isoler avec moi et lui proposer un premier tour du propriétaire... Il est très curieux de mon environnement et s'extasie des moindres cachettes et recoins pittoresques de la vieille demeure.
Je suis intimidée lorsqu'il investit ma chambre, sa présence bouillonnante fait exploser les limites du périmètre.
Il explore les étagères, ouvre portes et tiroirs.
- Ça te dérange pas, bébé, si je regarde ? Je découvre enfin ton univers de petite fille ! Tu me l'as décrit avec tellement de sensibilité et d'émotion qu'il m'est familier...
Il s'esclaffe sur mes 45 tours des Yéyés, s'extasie sur mes vinyls collector des Stones, Slade, T Rex... et fait tourner mon électrophone en claquant des doigts."
 
« Well she's my woman of gold, And she's not very old a-a-ha ! »
Je l'emmène dans la cour et le jardin... Il chahute avec Jumpy qui n'attend que ça, scandant son nom, le faisant claquer comme un drapeau sous le vent impatient :
- Jumpy ! « Jumpin Jack ! Jumpin Jack Flash ! Gas gas gas... »
Mon chien devient fou, jappe et fait des cabrioles, je suis pliée de rire...
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"Jusqu'à ce soir, je n'avais jamais envisagé cet instant sublime, que mon amoureux puisse s'inscrire si naturellement dans mon univers, qu'il puisse partager, avec cette simple évidence, ce paysage poétique et intime tant de fois contemplé tout au long de mon enfance.
L'angoisse finale de notre ballade nocturne se dissipe. Il est des lieux marqués par la douleur où le malaise subsiste. Des lieux où la souffrance s'est inscrite dans la moindre composante des éléments naturels, elle vibre toujours et diffuse son aura hostile en attente de justice ou de pardon. Mais, je n'ai pas la capacité d'activer la délivrance, même forte d'un amour neuf à mes côtés.
J'ai passé une nuit sage dans les bras de Nicolas, entortillée dans mes draps de lin. Il a veillé sur mon repos de gamine enfin apaisée. Il a éloigné les cauchemars qui cognaient aux portes de mon sommeil."
« C'est au crépuscule
Quand la libellule
S'endort au marais
Qu'il faudra, voisine, Quitter la colline
Et vite rentrer
Ne dis rien, ma brune
Pas même à la lune
Et moi, dans mon coin
J'irai solitaire
Je saurai me taire
Je ne dirai rien... »

vendredi

Chapitre 2 - LA FILLE DU PARC - extraits...



"J'ai distingué un agité particulièrement remarquable, un jeune spécimen sémillant, au look dévastateur et à la chevelure noire en pétard. De taille moyenne, il bouge souplement, tout en minceur musculeuse. Il porte un jeans troué aux genoux, une veste noire et des boots pointues. Il discute activement avec un type façon dandy, redingote et chemise blanche à jabot, aux cheveux châtains bouclés. En me rapprochant, j’examine le garçon décoiffé. Il a de jolis traits réguliers et un anneau d’or à l’oreille. Une légère estafilade zigzague sur son menton. Sa voix est grave et modulée. Je me glisse à son coté, essayant d'atteindre le buffet parmi la mêlée des assoiffés... Une de ses gesticulades m'éjecte de mon emplacement sans qu'il daigne s'en excuser. Piquée, je m'insinue entre lui et son copain et l’apostrophe :
- Tu pourrais faire attention !"
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"Je l'observe, intimidée, blottie au fond du fauteuil. Il me sourit puis s'assoie sur mon accoudoir, le visage tout proche du mien :
- J'ai pensé à toi... Je craignais avoir halluciné...
Il attrape une mèche de mes cheveux qu'il tourne autour de ses doigts. Ses yeux sondent les miens. Il murmure :
- Baby baby baby...
Il se lève, saisit une des ses guitares qu'il cale sur ses genoux et s'accompagne :
« Baby baby baby
Won't you be my girl..."
 
 
"Nicolas joue doucement. Sa voix est profonde, mélodieuse. Je suis sous le charme...
Il enchaîne avec des riffs mordants :
Brown sugar how come you taste so good ?
Brown sugar just like a young girl should..."
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"Nous sommes placés dans les premiers rangs devant la scène où se produit Dr Feelgood. Je me sens totalement en phase avec leur style de musique, pub-rock, selon Nico... qui les a déjà vus en Angleterre. Il se tient derrière moi, son corps mouvant au rythme de la musique exerce une légère pression dans mon dos. Il me glisse à l'oreille quelques remarques sur le jeu des musiciens qu'il m'a nommés, et cite les morceaux qu'ils interprètent, « Back in the Night, She Does it Right, Going back Home, Roxette... ». Le guitariste, Wilko Johnson, est exceptionnel, très agité et explosif, il se déplace de façon spasmodique et saccadée, la guitare pointée en mitraillette. Le chanteur, Lee Brilleaux, a une voix grave et profonde de crooner qui se place à la perfection et joue superbement de l'harmonica."
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" Il sort de la chambre, s'affaire un peu dans la pièce d'à-côté et crie :
- J'y vais ! Bye bye baby !
Le bruit de ses pas vifs décroît dans l'escalier, la porte du bas claque et ses talons résonnent sur le trottoir.
« My love has gone away... But all that's left is a place dark and lonely... »
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 "Je feuillette une BD de Margerin tout en écoutant le ronron du bavardage imagé de Rachel sur fond de Lou Reed : « We gonna have a real good time together, We're gonna laugh and dance and shout together, Na nanana nananana hey hey hey...», accompagné par les accords de Jérôme à la guitare sèche, quand Isa fait irruption en fin d'après-midi, accompagnée de Patrick et Nico, lequel se jette sur moi :
- Tiens, ma madone des canapés est réveillée !
Il me plaque deux baisers sonores sur les joues auxquels je réponds mollement.
- Ça va ? Pas trop dure la descente Foxy Lady ? insiste-t'il."
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"Néanmoins, nous occupons joyeusement notre temps. Nous claquons bruyamment des parties de flipper et de baby-foot avec force cris de victoire ou de dépit. Pour le baby, je m'allie à Nicolas ou Éric contre Isa et Philippe. D'autres jeunes nous rejoignent et nous formons des équipes. Chacun paie sa tournée, et le patron, empressé, nous sert des bières, des panachés, des Monaco...
Le juke box égrène à fond les hits, dont ceux des Rubettes, on braille les refrains dans la cacophonie générale...
« Do do do the juke box
Do do do the juke box
Come on baby,
Do the juke box jive
Just like they did it nineteen fifty five... »
On repousse les tables et je danse avec Isa des rocks maladroits et nerveux..."

mardi

Chapitre 1 - ROUTE 76 - extraits...

"J'ai dix-huit ans. Fière brunette aux longs cheveux à l'éclat auburn éparpillés sur les épaules, je suis Jeune Fille en Fleurs, Colomba ou Pussycat, au gré de mes tenues... Mes socques claquent vaillamment sur les sentiers poudreux de la Drôme. Les vergers regorgent de fruits, c’est le plein été. Embauchée à la saison des cueillettes, je fais partie d'équipes de ramasseurs composées d'étudiants, de routards et de parisiens en quête d'un exotique retour à la terre. Nous sommes logés chez l’habitant, dans d'anciens corps de fermes plantés dans un cadre verdoyant de vallons et de monts boisés.

Je suis venue d’Eure-et-Loir avec mon amie Dominique. Après un détour par Nice, où nous avons vu le concert des Rolling Stones dans leur 1976 tour, nous avons joint la ville de Nyons en levant le pouce au bord de la route...."


« Hitch hike baby, C'mon hitch hike, Hitch hike darling, C'mon hitch hike... »
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 "Petite ado, j'avais craqué pour la musique pop-rock anglaise qui s'inscrivait dans l'univers esthétique et artistique du Swinging London si bien filmé dans « Blow Up » d'Antonioni. Un choc musical ébranlait le monde et n'en finissait pas de provoquer des répliques. Les Stones, groupe rock emblématique, excitant et provocateur, décoiffait et affolait l'Angleterre puritaine et allait marquer des générations successives de teenagers. La jeunesse anglaise s'affirmait, elle exprimait sa révolution culturelle ; née pendant la guerre, elle préférait la charge des guitares à celle des armes. Désormais, je grandirai avec cette musique, « The Salt Of The Earth »
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"Bertrand s'est retiré depuis un moment, je l'ai vu refermer la porte de son gîte. Je sais que ce sera ce soir, que ce sera avec lui... Je me lève, déterminée..."
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  "Je regarde défiler le paysage vallonné et ondoyant qui m'est devenu familier alors que la voiture emprunte le lacis des petites routes. J'ai le sentiment d'avoir passé une vie ici, j'y ai fait mes premières armes d'indépendance à la tombée du cocon familial. Un autre monde m'attend, et j'ai hâte des surprises qu'il me réserve..."
"I want to live
I want to give
I've been a miner
For a heart of gold"




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