Le festival Polar de Cognac propose, tous les ans, depuis 26 ans, une sélection de littérature polar et de bande-dessinée.
Ainsi, sont attribués des grands prix du roman noir et du roman policier.
Depuis cette année, la Ville de Cognac à décidé d'organiser un concours de la "nouvelle polar" dont la contrainte était de commencer le récit par "La seule chose que vous ayez retenue, selon vos dires, c'est le tracteur : un Massey-Ferguson rouge"...
Cette phrase étant tirée du livre de Pierre Magnan, "le sang des Atrides"...
Il se trouve que, je suis la lauréate du concours de la nouvelle polar de 2013...
Intitulée : "HARLEY DAVIDSON"
Et que, cela me fait plaisir et me conforte dans ma volonté et mon besoin d'écriture...
La nouvelle a été éditée et l'auteur et illustrateur de BD, Stéphane Heurteau a produit une superbe couverture qui illustre parfaitement l'histoire dont il a parfaitement saisi l'esprit...
L'histoire raconte les déboires d'un groupe de rock angevin, " Les Dream Catchers" qui vont vivre diverses péripéties assez rocambolesques, voire dramatiques, sans se départir de la touche d'humour noir qui caractérise la littérature du polar...
Quelques extraits à suivre :
« La seule chose que vous ayez reconnue, selon vos dires,
c'est le tracteur : un Massey-Ferguson rouge. »...
L'inspecteur Lehon, de la police judiciaire d'Angers, avait eu l'air
effaré et incrédule quand, pour réponse à sa remarque, je lui
avais chantonné :
- Je n'reconnais plus
personne hors Massey-Ferguson...
Aussi, je m'étais bien vite reprise :
- Désolée, monsieur l'inspecteur... je perds un peu la boule avec
tout ça... mais, chanter c'est mon boulot actuel, et j'ai quelques
réflexes instinctifs...
- Bon, reprenons le fil des événements, mademoiselle, tout d'abord,
vous avez vu ce tracteur...
- Oui, le Massey-Ferguson est passé tous phares allumés devant ma
ferme sur la voie qui mène au château du Plessis...
- Vers quelle heure ?
- Minuit passé...
- Bien, il s'avère qu'un vol d'objets de grande valeur a été
perpétré, cette nuit, au château...
- A ce propos, je n'ai-rien-remarqué et je n'ai-rien-entendu.
- Et, ce matin, vous avez fait votre macabre découverte.
L'inspecteur poursuivit mon interrogatoire...
**
J'étais tombée sur l'équipe de musiciens place de la gare de
Cholet par une fin d'après-midi de l'été dernier. Je venais de
rater le dernier train pour Angers et j'avais avisé un mini-bus
pétaradant bourré de garçons, qui, d'après leur bavardage,
attendaient quelqu'un en provenance du Croisic. Un beau brun a la
frange gominée, dont le look avoisinait celui d'Elvis (jeune), se
roulait une cigarette sur le marche-pied du combi. Je m'étais
plantée devant lui, peu à mon avantage, dégoulinant dans ma robe
fripée, et lui avais demandé :
- Bonjour ! Iriez-vous du côté d'Angers, par hasard ?
Il avait pris tout son temps pour me reluquer, avait allumé sa clope
avec un Zippo et avait lâché :
- Ça se pourrait...
**
Elvis était invisible... Aussi bien dans la maison que dans le
jardin. Je l'avais cherché jusque dans la grange et la niche
délabrée du chien décédé. Le combi était garé, pas un seul des
vieux vélos ne manquait et mon ami n'était pas du genre à
commencer la journée par un jogging dans la campagne.
J'étais remontée à l'étage pour me doucher. J'avais enfilé un
jean élimé, un débardeur blanc et mes vieilles tiags. J'avais
ficelé la masse de mes cheveux en un chignon décoiffé et entrepris
de faire un peu de ménage. J'avais collecté, dans un panier en
osier, les bouteilles vides éparpillées un peu partout, cadavres
oubliés de nos soirées festives... Dans un cliquetis de verre,
j'avais pris le chemin du sous-sol en empruntant un escalier qui
s'enfonçait dans le sol calcaire à partir de l'arrière-cuisine.
Cela sentait la pierre humide, la moisissure ; il faisait frais
et je frissonnais. Au bout des marches, j'avais débouché dans la
cave, déjà éclairée, où s'étageaient des casiers de bouteilles
et des barils de vin. Une appréhension soudaine m'avait saisie alors
que j'entrevoyais une forme sur le sol de terre battue.
**
Elvis ne possédait rien, juste quelques fringues qui bouchonnaient
sur une étagère de mon placard dont j'avais fait un balluchon pour
Emmaüs dès en rentrant de la sépulture. Ensuite, j'étais allée
dans la grange. D'un large mouvement de bras, j'avais retiré une
bâche en plastique noire et dévoilé une moto étincelant de tous
ses chromes, une superbe Harley-Davidson... Elvis bichonnait cet
engin dont il se servait très peu. Dans l'instant, j'ai décidé de
m'inscrire, dès le lendemain, à des cours de pilotage.
La nuit suivante, je m'étais endormie, le sourire aux lèvres, avec
une chanson en tête, « Je ne reconnais plus personne hors
Harley-Davidson... ».