lundi

Chapitre 15 - NISSA LA BELLA - extraits...


"Je suis tombée amoureuse du « Vieux-Nice », village dans la ville, j'en sillonne les ruelles tortueuses aux façades ocre jaune, animées d'envols d'escaliers, je m'égare dans son dédale coloré, odorant, sonore et cosmopolite. J'ai déniché un trois pièces au dernier étage d'un immeuble ancien, comportant un balcon en fer forgé, des baies munies de volets persiennés, peints en vert, qui laissent diffuser la lumière en rais obliques. L'habitat vernaculaire de la vieille ville, de par son implantation resserrée, protège du soleil ; les placettes, percées de fontaines, sont des refuges d'ombre et de fraicheur. De mon appartement, j'ai vue sur la Montagne du Château et la Baie des Anges.
J'ai coutume de vadrouiller sur la plage aux galets roulants. Je m'assois face à la mer, mes yeux se portent sur le camaïeu bleu de l'horizon, là où le ciel se fond dans l'eau, je me sens minuscule, à l'extrême bord de mon continent..."


"Au jardin du Vieux-Château, un mini festival de musique populaire est donné une fois par an, au mois de mai. J'y vais rarement... Sauf cette fois car la fille d'Antoine s'y produit avec son groupe et Lola, qui vient d'avoir onze ans, veut voir jouer sa baby-sitter...
On accède au promontoire boisé, qui offre une vue grandiose sur la vieille ville, la Baie des Anges et le port, par une allée goudronnée ou, plus directement, par un sentier qui serpente dans la rocaille.
Une foule familiale et endimanchée s'y presse, une estrade est dressée pour le spectacle et des stands de jeux sont installés pour les enfants. Ma gamine cours d'une attraction à l'autre, elle a retrouvé des camarades d'école. Elle porte une robe claire volantée, petite elfe au corps menu et bronzé dont les longs cheveux noirs ondulent et virevoltent dans le dos."

"Je surveille Lola qui attend son tour près du chariot aux couleurs vives du marchand de glaces ambulant. Elle reçoit un cornet débordant de crème glacée rose et jaune qu'elle commence à lécher avec application. Je la hèle et elle s'élance avec son trophée. A ma gauche, une silhouette noire s'extraie de la masse humaine compacte et mouvante, elle m'est si familière qu'il me semble l'avoir quittée depuis quelques secondes... Elle me précipite en arrière pulvérisant l'espace temps des années qui nous séparent.
Jeans râpés, blouson élimé, cheveux noirs en pétard, allure vive et décidée, le garçon n'a, apparemment, pas changé. Je me pétrifie, transformée en statue de sel, respiration coupée, cœur en déroute...
Sa trajectoire va croiser celle de Lola qui file me rejoindre... J'assiste, impuissante, au télescopage. La fillette, déséquilibrée, laisse choir sa glace aux pieds de l'homme en noir qui la rattrape aux épaules. Tous deux contemplent le cornet éclaté et son contenu répandu...
Nicolas a gardé une main sur Lola, buste penché, il lui parle, elle acquiesce de la tête et ils se dirigent vers le vendeur de glaces."

***
J'ai pris mes dispositions pour me libérer momentanément de mes obligations professionnelles. La moins heureuse était Lola, qui appréciait peu mon départ et de loger chez ses grands-parents :
- Tu pars combien de temps ?
- Trois semaines...
- Je viens avec toi...
- Et l'école ?
- Bof...
- Quoi, bof ?
Il était hors de question qu'elle me suive, je lui ai proposé de me rejoindre pour les vacances de Noël, cela correspondait à son concours de musique, elle était sélectionnée et j'en étais fière. Elle s’entraînait sérieusement avec sa guitare sèche, répétant des chansons d'Emmylou Harris, de Linda Rondstadt... Avec ses longs cheveux bruns, son petit visage concentré, ma fille ressemblait à une jeune prêtresse folkeuse, sa voix était haute et claire, s'éraillant parfois, son jeu net et précis. J'étais impressionnée... Je pensais que son père ne l'aurait pas reniée et serait tombé à genoux devant tant de grâce virginale, lorsque perchée sur son tabouret, elle me proposait une chanson :

- Ecoute-bien maman, c'est « To Daddy » de Emmylou...
« Mama never seemed to miss the finer things of life
If she did she never did say so to daddy
She never wanted to be more than a mother and a wife
If she did she never did say so to daddy
The only thing that seemed to be important to her life
Was to make our house a home and make us happy
Mama never wanted any more than what she had
If she did she never did say so to daddy... »
Le réalisme de ces paroles m'avait fauchée, j'avais détourné la tête pour qu'elle ne me voit pas pleurer. Ma Lolita frôlait les étoiles, si proche d'atteindre sa révélation. ».




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